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"Je veux que le Bataclan soit une vraie maison d’artistes"

Mise à jour le 23/01/2020
Le Bataclan
Florence Jeux, ancienne directrice des Francofolies, a pris la tête du Bataclan (11e) en décembre 2018. À travers une approche collaborative et transdisciplinaire, elle entend insuffler un nouvel élan à la salle de concerts. Interview.

Qu’est-ce qui vous a conduit à accepter ce poste, tant on connaît la charge émotionnelle liée aux attentats de 2015?

J’ai pas mal réfléchi lorsque le poste m’a été proposé, après le départ de Jules Frutos et Olivier Poubelle, codirigeants depuis quinze ans. Parce que ce n’est pas un lieu anodin et que le challenge reste important. Mais, assez vite, j’ai su que j'avais envie de faire quelque chose pour le Bataclan, de contribuer à sa redynamisation en développant l’aspect pluridisciplinaire. Je suis donc arrivée en décembre 2018 en tant que directrice générale, après six ans à la tête des Francofolies de La Rochelle.
Bataclan Portrait directrice Florence Jeux
Bataclan Portrait directrice Florence Jeux
Crédit photo : Jerome Lobato

Quel est ce challenge ?

Faire revenir les artistes. Avant 2015, il y avait 150 concerts par an, contre 90 aujourd’hui. Après c'est normal, il faut du temps. On ne peut pas forcer, on peut ne pas convaincre par les mots. La stratégie, c'est plutôt de mettre en œuvre un projet qui ait du sens pour redonner envie. Ce n'est pas non plus d'effacer le souvenir que tout le monde a du Bataclan, mais de s'inscrire dans une histoire plus globale et d'envisager l'avenir avec cette approche pluridisciplinaire.

Jouer au Bataclan, c’est un acte militant ?

Je ne suis pas dans la tête des artistes. Certains le voient comme ça, c'est difficile de généraliser. Pour les artistes français, ça a une autre symbolique que pour les internationaux. Beth Ditto ou Pete Doherty jouent depuis des années au Bataclan, et pour eux, cela reste important de soutenir la salle, il y a un vrai geste derrière. Pour d'autres, je sais que ça l'est moins. J'espère que nous allons réussir à gommer petit à petit le fait que ça soit un geste militant, que les groupes se poseront moins de questions quand ils joueront ici. J’aimerais qu’ils viennent parce qu’ils ont envie de s’associer au projet artistique.

Et le public peine à revenir aussi ?

Non. Le public a toujours été là. En 2019, le taux de remplissage de la salle était de 85%. Quasiment chaque spectacle est complet. La fréquentation n'a donc jamais été un problème. Le projet artistique vise toutefois à replacer le spectateur au centre de nos préoccupations, à améliorer l'accueil et proposer de nouvelles expériences. Le public n’assiste plus à un spectacle comme il y a dix ans ou quinze ans. Dans les festivals, les jeunes viennent voir leurs artistes préférés mais aussi s'amuser entre ses amis, tester d'autres activités pendant trois jours… C’est conçu comme un temps de vacances, en plus du loisir d’assister à un concert. Pour les spectacles, c’est pareil, il faut aller prolonger l'expérience : aller plus loin avec des rencontres pour des VIP, proposer des choses nouvelles à l'intérieur…
Bataclan
Bataclan
Crédit photo : Emilie Bardalou

Quel est le projet artistique que vous portez pour cette salle ?

Le Bataclan existe depuis 1865. C’est l’un des premiers théâtres parisiens. Au départ c'était un music-hall, puis un cinéma et enfin, une salle de concert. J'avais envie que l’ADN du Bataclan, ses 160 ans d’histoire, nourrisse le nouveau projet basé sur la pluridisciplinarité. Il s’agit de faire en sorte que les artistes communiquent et collaborent entre eux à travers des créations. On a envie qu’il devienne un vrai lieu de rencontre, de création prêt à recevoir un public de 7 à 77 ans porté par les valeurs humanistes d’engagement, de solidarité, de partage et de dialogue. J'espère que ça va devenir une vraie maison d'artistes, un projet complet avec des disciplines qui se croisent, se parlent. D’autant que cela correspond aussi à notre époque, avec des jeunes artistes qui croisent les domaines dans leur création.

C’est-à-dire ?

Maintenant, les artistes sont auteurs, compositeurs… Ils font aussi de la réalisation, dansent, écrivent des bouquins, font des photos, font du cinéma, sont acteurs. Ils abordent l'art de manière plus globale et cette démarche est en train de s'intensifier. Parce qu’ils ont besoin de diversifier leur source de revenus et avec Internet, tout le monde se nourrit et s'influence mutuellement.
Bataclan Jean-Louis Aubert
Bataclan Jean-Louis Aubert
Crédit photo : Emmanuel WINO

Ce ne sera plus tellement une salle de concerts ?

Non, le Bataclan reste avant tout une salle de concerts, cela représente 80% de l'activité. La musique, c'est son ADN. Mais nous nous sommes ouverts à d’autres disciplines : l’enregistrement de podcast en live, comme avec Fréquence Moderne sur le cinéma, la boxe thaïe, les battles de danse, les conférences avec notamment celle de Cyril Dion sur le changement climatique, la soirée au bénéfice du secours populaire… Pour 2020, les projets fusent, avec de la musique classique, la soirée d’ouverture du printemps des poètes, des performances des élèves de l’Institut français de la mode.

Comment le lieu rend hommage aux victimes ?

Une petite plaque est apposée sur la devanture de la salle et dans le square en face, il y a une stèle. Mais dans la salle, il n’y a pas d'endroit en particulier. Moi, je ne suis pas une victime, même si j'avais des amis qui étaient dans la salle à ce moment-là. Je ne suis pas légitime pour en parler, pour porter cette histoire-là. Je suis là pour incarner un projet artistique qui a du sens. Même si effectivement, on la porte au quotidien parce qu'évidemment c'est quelque chose qu'on est obligé de prendre en compte. Au quotidien, on réalise un vrai travail d'accompagnement avec les associations de victimes et qu'on est confronté à tout cela tous les jours. Quand un artiste refuse de venir, c'est aussi une confrontation au passé.
Le Walk festival, le premier festival du Bataclan

Le collectif Walk in Paris et le Bataclan se sont associés pour proposer un événement rassemblant musique et danse hip-hop les 26 et 27 octobre 2019. Des artistes comme Némir, Nakala, Agar Agar ont répondu présent et le dimanche, des battles de danse ont été organisé par le danseur-chorégraphe Léo Walk. La prochaine édition se déroulera les 3 et 4 octobre 2020.

Le site web du Bataclan 
Le Bataclan
50 boulevard Voltaire 75011 PARIS

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