"Vous allez me prendre en photo? Je vous préviens, j'ai un bon look de festivalier!"
Dread locks, collier à patte de dragon, bracelet perlé de têtes de mort et gros tatouage, Codex s'installe en terrasse ("le meilleur moment de la journée!"), mais ne vous fiez pas à son look: l'artiste est plutôt sage et commande un coca light avant de commencer l'histoire par le début. "J'ai toujours dessiné. A partir du moment où j'ai su tenir un crayon, j'ai dessiné partout et surtout dans mes cahiers d'école!"
C'est dans le 15e arrondissement de Paris que le petit Codex grandi. "J'ai vécu dans le quartier de Convention jusqu'à 18 ans. J'y retourne voir ma mère chaque semaine et à chaque fois, je me demande à quel moment j'ai pu considérer que ce quartier était le mien. C'est tellement loin de tout ce que j'aime! J'habite Montmartre depuis 15 ans et c'est définitivement ici chez moi!"
Après des études de gestion à Dauphine, il travaille 10 ans dans la com et la pub. "Je ne suis pas du genre rebelle, je suis plutôt du genre à explorer les pistes et à procéder par élimination. A la fin de l'entreprise j'ai décidé qu'il fallait que ça cesse, que je ne voulais plus de patron, plus de bureau et surtout je ne voulais plus faire de choses qui ne m'intéressaient pas. Il m'a fallu du temps pour comprendre qui j'étais et l'idée que je puisse être artiste n'a pas 10 ans! Aujourd'hui, je suis aussi guide touristique et interprète judiciaire. Ce sont deux métiers fabuleux."
Avec ses deux gagne-pains, Codex ne s’ennuie jamais. "Pour mon métier de guide, je fais des tours sur mesure par quartier ou thématique, ça peut être Paris sous la Révolution ou l'architecture contemporaine de la rive gauche, c'est à la demande!"
"Dans mon métier d’interprète judiciaire, je peux être appelé n'importe quand pour une garde à vue ou un procès. Je fais la traduction en anglais ou en espagnol auprès des personnes interpellées ou mises en examen." Un métier difficile psychologiquement et physiquement. "Quand on est dans les coulisses, on voit plein de choses que le monde ne voit pas. On est des vrais témoins du siècle. Parfois, on t'appelle à 2h du matin pour venir traduire la garde à vue d'une prostituée, on sait pas à quelle heure ça va finir. On entend des histoires terribles, et on voit plein de gens différents, ça va du SDF au banquier d'affaires. On voit aussi la détresse des policiers. Un métier compliqué et fascinant à la fois."
Pour Codex, l'art est un exutoire. "Quand tu t'es fadé 12h de garde à vue, avec de la violence ou des situations super tristes et que tu te retrouve en pleine nuit en haut de Montmartre, dessiner semble être la meilleure chose à faire. C'est une respiration."
"J'ai toujours dessiné des villes et des monstres. Du coup quand j'ai commencé à dessiner sur la ville, j'ai fait des monstres." Là encore, Codex fuit la routine. "Avec mes chimères, je ne m'ennuie jamais. J'en invente toujours de nouvelles, ça dépend du mur, de l'heure et de l'inspiration du moment, c'est ça le pied!" Tel un naturaliste, l'artiste qui vient d'être élu "talent du 18e" répertorie ses chimères sur son site internet. "Je viens les prendre en photo le lendemain, si elles sont encore là."
Quand on lui demande s'il se verrait vivre uniquement de son art, Codex émet des réserves. "C'est compliqué, ce que je fais c'est très segmentant, c'est pas du graffiti, c'est pas du pop. Je suis considéré comme un street artiste mais mon œuvre reste en marge de la tendance actuelle. Du coup, on pense pas forcément toujours à moi dans les expos d'art urbain." Malgré cela, Codex expose souvent.
"Le Musée Gustave Moreau est vraiment l'un des secrets les mieux gardés de Paris. Lors du vernissage, c'était génial d'y faire venir le monde du Street-art. Nous autres, artistes urbain, nous sommes comme Gustave Moreau, dans l'onirique. Notre but est de faire rêver les gens. L'art académique aujourd'hui, il t'interpelle mais il ne fait plus rêver, je trouve."
En ce moment vous pourrez admirer quelques œuvres de Codex à l'Aquarium de Paris pour l'exposition "Corail - Cœur de vie", mais l'artiste a encore d'autres facettes sur lesquelles il reste discret. "J'écris aussi des scénarios fantastiques, l'autre jour, j'avais une idée de comédie musicale mais là je me suis dit wow, on va se calmer!"
"Avec mon bestiaire fantastique, je suis complètement dans le monde de l'imaginaire, mais aujourd'hui cette mouvance est injustement dénigrée. Pourtant c'est ce qui marche le mieux, regarde Harry Potter ou Game of Thrones, les gens ont besoin de rêver!"
L'Actu de Codex Urbanus
Codex a écrit un livre: "Pourquoi l'Art est dans la rue?" paru chez Critères Editions.
"Cet essai tente de comprendre pourquoi il y a quelques décennies, des femmes et des hommes se sont mis à placer illégalement, gratuitement et systématiquement de l'art dans l'espace public, ce qui n'était jamais arrivé auparavant..."
Traversées du Marais, Codex urbanus à la bibliothèque Forney
Bibliothèque Forney
1 rue du Figuier, 75004 Paris
Du samedi 7 septembre 2019 au dimanche 22 septembre 2019
« Un carnet de voyage imaginaire »
Bibliothèque Forney
1 rue du Figuier, 75004 Paris
Le samedi 14 septembre 2019
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