"Ma passion première c’est la musique, la guitare. C’est au service de la guitare et des musiciens que je répare leurs instruments et que j’en conçois de nouveaux. Je les fabrique sur commande, sur mesure et avec énormément d’attention."
Adrien Collet nous accueille chaleureusement dans son petit atelier au cœur des Grands Voisins. D'un côté les outils soigneusement alignés au-dessus de l'établi, de l'autre les guitares qu'il a fabriquées de A à Z.
Matière brute
"Il faut au moins 3 mois pour faire une guitare comme celle-ci", prévient Adrien. "Je vais chercher le bois en Italie ou ailleurs, et je passe en général 3 jours à fouiller dans la poussière et les recoins pour trouver les meilleures pièces de bois, les plus sèches, les plus rigides." Mais avant d’en faire un instrument qui sonne, c’est un long parcours. "Dans ce monde où tout est fait par les usines, on oublie d’où vient la matière brute et le savoir-faire", regrette l'artisan.
La guitare, Adrien tombe dedans alors qu'il n'a que 13 ans. "C'était limite obsessionnel", avoue-t-il. Alors qu'il vit une adolescence paisible dans un petit village d'Auvergne, il passe ses après-midi à gratter. "Je n'ai pas beaucoup fait mes devoirs à cette époque," sourit-il. Plus tard, il bidouille dans le garage de ses parents et commence à fabriquer des instruments.
A 20 ans, Adrien part découvrir le monde. "J'ai passé 5 mois au Togo et j'ai rencontré un luthier avec qui j'ai fabriqué un n'goni et un balafon avec des outils rudimentaires. On les a vernis entre deux voitures d'une casse. De voir qu’on pouvait créer de beaux instruments de cette façon m’a conforté dans mon choix."
Après avoir voyagé plusieurs années, il pose ses valises en Angleterre. Newark-on-Trent est connue pour son école de lutherie pour violons, instruments à vent, pianos et guitares. C'est ici qu'il apprendra son métier et trouvera "sa patte". "Mon modèle de guitare Archtop a été conçu pour combiner les atouts de la lutherie violon et de la lutherie guitare. Je les sculpte dans la masse à la main jusqu'à obtenir une voûte harmonieuse."
Paris et ses rencontres
Sorti major de sa promo avec le prix du meilleur instrument, Adrien peut désormais exercer son métier. C'est par amour qu'il choisit Paris. "De retour en France, j'ai monté un atelier dans mon appartement pour fabriquer et continuer à mettre au point mes modèles de guitares. Quand l’occasion s’est présentée d’avoir un atelier aux Grands Voisins, j’ai foncé."
L'histoire d'amour parisienne se termine mais elle fait place à d'autres belles rencontres. "Ici aux Grands Voisins, j’ai découvert le côté social de la musique."
"Il y a Luciano, à qui je donne des cours de guitare, il passe ici et me joue de la musique traditionnelle de son pays, le Soudan du Sud. C’est l’avantage des Grands voisins, on apprend des autres grâce à la mixité du lieu. J’ai donné des cours à 12 personnes, maintenant j’ai des copains d’Iran, de Dakar, du Maroc, etc. Ils m’apprennent des riffs, des façons de jouer différentes et moi je leur transmets mes connaissances en solfège."
Avec quelques-uns de ses élèves, Adrien monte même un groupe: Kacekode. "Il y a une vraie énergie qui se dégage de leurs chansons. C'est la précarité de leur situation qui les rend plus forts. On a même enregistré un album aux Grands Voisins dans un studio fait maison. C’est un album solidaire, l’argent va à ceux qui en ont le plus besoin dans le groupe."
Cet album solidaire est en vente à la ressourcerie des Grands Voisins (10€).
Médecin de famille
"J’aime bien le côté docteur de la guitare aussi", oui le métier de luthier c'est aussi de réparer les instruments. "Les musiciens qui viennent ici, ils te confient leur instrument, c’est presque une partie d’eux-mêmes, comme leur enfant. Il y a une relation particulière qui s’installe, un lien de proximité très fort."
"Un jour Pedro Martin (grand guitariste brésilien) passait par Paris avant d’aller à Berlin, il est arrivé en taxi pour une réparation urgente. En 1h30 c’était réglé et il est reparti directement au New Morning pour faire les balances. C'était un vrai bon moment."
Cette semaine, Adrien a refusé des réparations: "Je déménage la semaine prochaine pour la phase 2 des Grands Voisins."
La saison 2 des Grands Voisins débutera en avril 2018, pour une durée de 26 mois. Les espaces utilisés pour cette seconde étape du projet comptent 9 000 m² bâtis et 3 000 m² d’espaces extérieurs, contre respectivement 22 000 m² et 15 000 m² actuellement. "Il y aura toujours cette idée centrale de mixité et de faire des projets communs mais dans une échelle plus petite, plus humaine" se réjouit-il.
"Arrivé à Paris, au début j’étais un peu étouffé par tout ce monde qui se tasse et induit une pression. Ce que j’aime ici c’est que chacun se façonne son Paris, parce qu’il y a le choix. Le mien est plus alternatif et musical."
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Son site internet : adrien-collet-luthier.com
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